La jeune femme de 28 ans a réalisé son rêve de gamine en venant vivre dans la maison de famille, à Saint-Gervais-sous-Meymont, près d’Olliergues. C’est là que la luthière a installé son atelier de fabrication de violons, dans le cadre aussi inspirant que reposant du Livradois-Forez.
« C’est une maison familiale ancestrale du côté de mon papa, mes arrière-arrière-grands-parents l’ont fait construire fin XIXe. C’est déjà devenu une résidence secondaire avec mon arrière-grand-père qui était médecin. J’ai grandi en région parisienne. Moi, j’y allais petite, parce qu’on n’avait pas beaucoup de sous. Mais j’ai toujours rêvé de revenir m’installer ici ». Iris a volontairement laissé la maison dans son jus : la première partie, dédiée à l’habitation, offre au rez-de-chaussée une grande pièce à vivre avec cheminée, grande table en bois, piano droit, petite cuisine, les chambres et la salle de bains à l’étage ; la seconde partie qui était autrefois la bergerie avec le foin entreposé à l’étage, sert de garage, avec l’atelier d’Iris au-dessus, sa « bulle ». C’est dans cette maison de famille qu’elle abrite son amour avec Mathias, son compagnon musicien, et mène une vie simple, en se contentant de peu.
UNE VIE À SON RYTHME
Iris parle vite, son débit rompt avec sa tenue décontractée en survêtement, permise par le luxe de travailler depuis la maison : « Mon but, c’est de faire comme je veux, quand je veux et je suis une adepte du dernier moment. Je cherchais un métier à mon compte qui me permette de profiter de cette vie isolée à la campagne. C’est mon père qui m’a donné l’idée », confie-t-elle le rire au coin des mots. La jeune artisane a touché pour la première fois un violon à 5 ans, puis elle a découvert le piano à 9-10 ans, la batterie et le rock-métal ado puis la clarinette au lycée pour jouer en fanfare. De passion, la musique est devenue métier. Iris s’est formée trois ans à l’école française de lutherie, à Mirecourt dans les Vosges, et s’est spécialisée dans la fabrication pour donner de la voix au bois. Sa préférence porte sur les altos : « J’aime le son de l’alto, plus grave, ses tailles différentes. Le violon est plus normé ».
Après une brève visite des lieux, Iris ne tarde pas à nous faire grimper dans son petit monde. Nous y pénétrons avec curiosité : une dizaine d’instruments sont en cours de fabrication, altos et violons. L’atelier, chauffé par un poêle à bois, est bien organisé avec un premier établi en chêne, récupéré auprès d’un ancien luthier, et un second établi plus haut, en métal, avec des tiroirs où sont rangés les outils et cahiers. Ce dernier sert au travail plus minutieux. « Cela correspond à trois quarts des étapes, notamment quand je découpe le contour d’un instrument avec un canif, l’outil qu’on utilise le plus, ou quand je sculpte la voûte dans la table ». Au-dessus, une étagère est remplie de produits, vernis, colle d’origine animale, alcool à 90°C, car les techniques sont traditionnelles.
PATIENCE ET DEXTÉRITÉ POUR DONNER VIE AUX CORDES
Il faut compter un mois et demi pour fabriquer un violon, du travail du bois, assemblage, vernissage, séchage, jusqu’au montage. « C’est cette dernière étape qui donne à l’instrument son identité, le rend jouable, avec les cordes attachées par des chevilles. L’âme est une pièce très importante, un cylindre de bois sous le chevalet qui retransmet la vibration des cordes », explique Iris, qui aime apporter sa touche personnelle en patinant le vernis pour que les instruments aient l’air plus anciens.
DE LA FRANCE AU JAPON
La luthière fabrique sur mesure pour des commandes spécifiques de musiciens et en lien avec les professeurs d’alto des conservatoires de Nancy, Strasbourg, Metz. Elle se déplace régulièrement pour aller à leur rencontre, participe à des festivals pour exposer ses instruments et exporte aussi sa production grâce à des contacts avec des commerçants japonais. Sa maman étant originaire du pays du soleil levant. Iris parle la langue et connaît les règles de politesse en société. « Il faut le bon niveau de langage selon la personne en face, toujours sourire, agir avec humilité. Au début, j’hésitais entre aller vivre au Japon et vivre en Auvergne. J’ai choisi l’Auvergne, car ici, on peut exprimer ses émotions, ses avis… Au Japon, le féminisme et l’écologie n’existent pas ! » Le métier de luthière est déjà un pied de nez à ce milieu plutôt conservateur et masculin.
Dans son atelier, Iris écoute France Inter en guise de fond sonore, mais ses goûts musicaux sont très éclectiques, de la pop, hip-hop, à la musique traditionnelle d’Europe de l’Est en passant par Barbara ou Gims, qu’elle a découvert de manière approfondie en donnant depuis février des cours de musique aux élèves du collège d’Arlanc. Elle fait aussi partie de la fanfare Le Plof, basée entre Ambert et Cunlhat, donne des cours de piano, bouquine, joue au badminton ! Bref, une jeune femme épanouie qui a choisi la terre de ses ancêtres pour fonder à son tour sa famille.